NOS EMPLOIS ENTRE LES MAINS DE L’ESA


La longueur inhabituellement élevée de cette newsletter est imposée par la gravité du sujet traité

 

Fin février, la CFE-CGC tirait la sonnette d’alarme sur l’absence de Plan à Moyen Terme (« OP ») ArianeGroup validé par les maisons mères. Cette situation encore jamais vue par les salariés de notre entreprise peut inquiéter dans ses causes comme dans ses conséquences.

Les causes

La Direction a indiqué que cette décision résultait de l’incertitude sur la commande institutionnelle qu’ArianeGroup attend pour Ariane 6 depuis de long mois de l’Agence Spatiale Européenne.

ArianeGroup a besoin de cette commande :

  • elle permet d’engager la production du nouveau lanceur et donne un signal de confiance vis-à-vis de la filière industrielle et du service de lancement que la clientèle privée internationale attend
  • elle marque le soutien de l’institution européenne et de ses Etats Membres, ainsi que de la cohérence de la politique spatiale européenne et sa volonté d’autonomie de moyens

Tous nos concurrents, réels ou potentiels, bénéficient d’un tel soutien. Mieux même, tous sont au cœur de la stratégie spatiale des puissances spatiales mondiales. Celles-ci s’appuient sur leurs compétences pour aider à leur développement économique et social et pour servir leurs objectifs de défense et de sécurité.

Pourquoi pas l’Europe ?

Le signal envoyé par le Conseil de l’ESA du 21 mars dernier est négatif car rien n’a été décidé. La CFE-CGC indiquait certes que l’année 2019 serait pétrie d’incertitudes quant au devenir de la filière Ariane, au-delà d’Ariane 6.

En effet, les évolutions de ce lanceur sont aussi en jeux, avec sa nécessaire adaptation aux attentes des clients, aux évolutions technologiques des satellites et de leur exploitation commerciale. La remplaçante d’Ariane 6 est une affaire de long terme qu’il faut démarrer le plus tôt possible. De véritables ruptures technologiques sont en gestation. Il nous faut les moyens de les développer et de les qualifier.

C’est pourquoi la Conférence de l’ESA au niveau ministériel de novembre prochain est absolument déterminante.

Les conséquences : le maintien de nos emplois en dépend

Pourtant, les perspectives d’activité de lancements institutionnels européens n’ont jamais été aussi  favorables : 14 lancements possibles sur la période 2021 – 2023 !

Preuve que ce « marché » peut être à la hauteur des attentes d’ArianeGroup en matière de soutien des Etats. Les calculs de rentabilité et l’ajustement du prix proposé sur le marché commercial tablaient sur 5 lancements par an pour le compte de l’ESA et des Etats membres.

Alors que se passe-t-il qui remette en cause l’avenir d’Ariane 6, celui de sa filière industrielle, de ses compétences, de son expertise, de ses emplois, de ses salariés ? 

Ariane 6 doit être prêt à temps. L’incertitude semble de mise car l’ESA met la pression : « L’industrie doit fournir des lanceurs disponibles pour nos missions institutionnelles et sans délai. Nous avons des missions à lancer. Ariane 6 doit être prête. Si l’industrie est dans les temps, elle aura le marché. Si elle ne l’est pas, elle loupe une énorme opportunité et elle aura plus de difficulté de mettre ce lanceur sur le marché » a déclaré Daniel Neuenschwander, Directeur des Lanceurs de l’Agence (propos rapportés par Space News).

Quelle est la cohérence de la politique spatiale européenne ?

La CFE-CGC demande quel est le fondement d’une telle politique qui met à risque son lanceur ; les lanceurs sont le fer de lance de la politique spatiale de toutes les puissances spatiales du monde. Toutes sauf l’Europe ? La concurrence libre et non faussée serait-elle devenue la ligne de conduite de l’ESA ? Ou est-ce seulement un argument de négociation faisant pression sur les prix ?

Là encore, la manœuvre est contestable dans les faits si elle ne l’est pas sur le principe.

QUELLE GRANDE PUISSANCE SPATIALE DANS LE MONDE A-T-ELLE PRIS LE RISQUE DE SABORDER SA FILIÈRE LANCEUR
AU MOTIF DE PAYER LE PRIX QUI LUI CONVIENT ?

Les Etats-Unis, le Japon, la Chine, la Russie, toutes, libérales ou non soutiennent financièrement leurs filières pour garantir leur indépendance stratégique d’accès à l’espace.

NOTRE INQUIÉTUDE PORTE AUSSI SUR LA STRATÉGIE DE L’ITALIE
FONDÉE AUTANT SUR VEGA QUE SUR ARIANE

Sa volonté de faire évoluer Vega en concurrence frontale d’Ariane 62 pose un grave problème de cohérence dans la politique spatiale européenne. Le lot de 14 Ariane 6 n’est-il pas menacé par une orientation cachée de l’ESA de partager sa commande entre les deux lanceurs ? La conséquence serait grave pour Ariane et pour nos emplois.

La situation est intenable pour ArianeGroup qui ne peut s’engager à lancer la production d’Ariane 6 sans un minimum de garanties. Nous sommes à un tournant où tout est possible : le meilleur comme le pire. L’accès indépendant de l’Europe à l’espace est hypothéqué et nos emplois sont menacés ; espérons que le nouveau Conseil de l’ESA du 17 avril prendra les décisions attendues.

Par ses interventions et ses contacts nombreux, la CFE-CGC se bat pour la sauvegarde de la filière Ariane et de nos emplois.

Il est plus que temps que les industriels et l’Europe comprennent que, à force d’étaler leurs divergences et de reporter les décisions, c’est l’emploi qui est mis à mal et l’accès indépendant de l’Europe à l’espace qui est hypothéqué. Il est plus que temps de confirmer que Vega et Ariane doivent rester des lanceurs complémentaires et non concurrents.

8 AVRIL 2019