NOUS VOULONS DE L’ÉMOTION !


L’homme a posé le pied sur la Lune pour la première fois il y a 50 ans. Les plus chanceux se remémoreront ces fantastiques images, avec une puissante émotion. Les courants négationnistes n’existaient pas, on en était sûr : nous étions témoins de l’Histoire.

Cette histoire ce fut celle d’un élan politique : le président Kennedy annonçant qu’un Américain serait sur la Lune avant la fin de la décennie 1960. Ce fut celle d’un fantastique succès technique, auquel rien ne manqua, pas même ses martyrs (Apollo I). Ce fut celle d’une débauche de dépenses durant laquelle les Américains foulèrent le sol lunaire à 6 reprises. Un demi-siècle s’est écoulé et souvent pendant ce temps-là, beaucoup se demandent, à commencer par les salariés d’ArianeGroup, si l’humanité saurait retourner sur la Lune.

Le politique ? Il nous dit de temps en temps que cette idée le travaille. A ce jour c’est de Chine que viendrait l’impulsion la plus significative, mais pas pour des raisons de politique étrangère comme dans les années 60. La Chine veut démontrer son haut niveau de technologie … à sa propre population, viscéralement convaincue que les produits américains sont les meilleurs. De là à marcher sur les pas d’Armstrong …

La technique ? Nous ne devrions même pas nous poser la question. En cinquante ans les progrès se sont succédé dans tous les domaines. L’expérience de la station spatiale internationale ouvre de plus des horizons diplomatiques, pour un travail dans l’espace hors contraintes de nationalités (ou presque …). Il ne devrait donc pas y avoir de blocage de ce côté-là. D’ailleurs il suffit d’un peu d’idée et de beaucoup d’argent pour s’imposer industriel du spatial, de nos jours.

Justement, parlons du financement. Là, c’est dur. Prenons le cas de la France : elle a du mal à se payer Kourou, Ariane 6, sa force de frappe … lui demander la Lune, on ne sait pas comment elle se la payerait, seule ou accompagnée. Le manque d’argent a déjà été un frein au programme de navette européenne Hermès dans les années 90 alors aujourd’hui, ce n’est même pas la peine d’en parler.

Nous rajouterons un dernier obstacle, que la NASA n’a pas connu sous le président Johnson : le principe de précaution. Qui dit pas d’argent, dit peu de test et aussi peu de prototypes que possible. Mais pas question de risquer une explosion comme la première Ariane 5, à l’heure des réseaux sociaux et de l’instantanéité de l’information. Risquer des morts comme sur Challenger, c’est inacceptable aussi pour des questions d’image. Nous nous sommes tirés, avec ce principe, une fusée dans le pied, dans un domaine où le risque zéro n’existe pas.

En somme, notre vieille Europe n’ira pas sur la Lune toute seule, et encore si elle y va, ce sera quand elle aura touché un héritage et qu’elle sera sûre à mille pour cent qu’aucun de ses citoyens ne risquera sa peau.

Mais alors ? L’espace s’est-il tant banalisé qu’il n’intéresse plus que des illuminés façon Jeff Bezos ou Elon Musk ? L’Europe est-elle si disqualifiée qu’elle ne se destine qu’à devenir un partenaire low cost et faire toujours moins cher ? Sombres perspectives.

Or l’espace est une industrie de passion. Nous avons tous frémi en lisant Jules Verne et souri en lisant Hergé. Nous avons tous eu des frissons en regardant l’Etoffe des Héros et Apollo XIII. Nous avons tous été consternés par l’explosion de la navette Challenger le 28 janvier 1986, nous rêvons tous de voir nos enfants prendre la suite de Thomas Pesquet.

L’espace n’est pas le vide : c’est le domaine du rêve, où tout est compliqué, où tout est risqué, mais où tout est possible. C’est l’infini de la passion et de l’émotion.

Allô Bruxelles ? Allô l’ESA ? Allô les ministres ? Ici la CFE-CGC. Il y a une réunion ministérielle bientôt, non ? Rendez-nous notre émotion s’il vous plaît.

9 SEPTEMBRE 2019