PLAN D’ADAPTATION DES EFFECTIFS : AVIS NÉGATIF DU CSE CENTRAL


Sans surprise, les élus du CSE Central viennent de rendre un avis négatif à l’unanimité
sur le plan d’adaptation des effectifs qui va conduire aux 527 suppressions d’emploi en France en 2022

Voici la position CFE-CGC que nous y avons présentée

Afin d’en faciliter la lecture, nous avons mis en gras les passages qui nous semblent essentiels

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La CFE-CGC tient en premier lieu à remercier l’expert du CSE Central, le cabinet Legrand, qui nous a accompagnés durant tout le cycle d’information-consultation. Son aide fut précieuse tant pour l‘élaboration des questions que les élus ont adressées à la Direction que pour l’analyse de ses réponses.

Par ailleurs, la CFE-CGC considère que la Direction a fait un véritable effort pour apporter des réponses concrètes aux questions posées par les élus du CSE Central ; de notre point de vue, le détail des réponses apportées n’a jamais été aussi poussé depuis la création de la société. 

Dans le moment difficile que nous vivons cette transparence est essentielle ; nous espérons que la Direction continuera d’agir ainsi avec les représentants des salariés.

Le contexte est ce qu’il est, que cela nous plaise ou non

La CFE-CGC partage le constat établit sur la situation de la société. Qui pourrait le contester ?

  • Le marché du Spatial se révolutionne
     
  • Le modèle économique initial du lanceur A6 est obsolète (cadences, lancements institutionnels, prix de vente, constellations, …) 
     
  • Les exigences de l’ESA et de l’Etat en matière de coûts (Marchés Civil et Défense) se sont accrues
     
  • Le retard de deux ans sur la livraison du premier lanceur A6 impacte les résultats de la société
     
  • La baisse de la charge travail est effective dans certains secteurs, elle devrait s’amplifier avec la fin des développements de nos lanceurs civil et militaire actuels

Le projet de la Direction a pour principal effet social la suppression de 588 postes de travail d’ici fin 2022 dont 527 en France, et ce dans tous les secteurs de l’entreprise. Cette réduction des effectifs a pour objectif essentiel de stabiliser notre taux horaire qui, si rien n’est fait, augmentera mécaniquement sur tous les programmes. L’expert du CSE Central confirme cette analyse.

S’adapter à la charge de travail, conserver un taux horaire société compétitif pour avoir des prix de ventes « acceptables » est frappé du bon sens MAIS…

… malgré toutes les informations données par la Direction en réponse aux questions des élus, de nombreuses incertitudes persistent quant à la capacité de ce projet à atteindre ses objectifs dans les délais. Des questions majeures restent ouvertes, dont : au moment où l’entreprise a besoin de toutes ses énergies disponibles pour réussir A6, n’est-il pas dangereux de supprimer autant des postes ? Que se passera si 2022 ne se passe pas comme envisagé 

Des ambitions légitimes, mais sont-elles réalistes pour autant ?

⇒ L’effort de « - 588 postes » décidé par la Direction, s’il évitera une augmentation de notre taux horaire, ne joue malheureusement que sur une faible partie des coûts du lanceur A6.

Circonstance aggravante, cet effort conséquent de réduction d’environ 10% des effectifs est intimement lié à la réussite de plans d’améliorations et de transformation : outils informatiques, synergies, …

Quelle crédibilité pouvons-nous accorder à ce projet ?

Prenons l’exemple des transformations digitales : comme l’a précisé le Directeur de la Direction Technique en CSE Central, « le déploiement et le fonctionnement des outils (Shaper notamment) sont la condition sine qua non pour réaliser les baisses d’effectifs ».

Cet enjeu de transformation digitale et informatique est extrêmement structurant pour le projet et nous semble être un point faible. Connaissant les difficultés rencontrées par la Direction Informatique, peu aidée par les moyens mis à sa disposition, et dont les effectifs n’ont de cesse de diminuer, c’est un chantier périlleux qui s’annonce !

Les autres leviers d’améliorations sont autant de mots cent fois entendus et qui, répétés  lors de chaque réorganisation (« synergies », « gains d’efficacité », « rationalisation », « optimisation/simplification », « efficience opérationnelle », …) sont aujourd’hui vidés de leur sens. Dit autrement : les salariés aimeraient y croire, mais …

Par ailleurs et en dépit de toutes nos interventions, nous constatons que chaque secteur, chaque établissement, maintient peu ou prou ses façons de faire ainsi que ses habitudes (nous pourrions dire « son train de vie ») depuis la création de la société. D’où une certaine défiance entre les équipes avec des légendes urbaines sur des a priori souvent subjectifs. La CFE-CGC le dit clairement : ArianeGroup sera maintenue en situation d’échec managérial si chacun continue à reproduire ses façons de faire au nom d’une culture locale élevée au rang de totem. Qu’a fait la Direction depuis plus de 5 ans pour créer les conditions d’une société intégrée ? Oui, qu’a-t-elle fait sur les statuts sociaux notamment qui sont prolongés d’année en année ?

Les leviers de compétitivité seront-ils suffisamment efficaces ? Quelle crédibilité leur accorder aujourd’hui ?

Une grande partie des hypothèses retenues pour identifier les baisses d’effectifs peuvent donc être soumises à caution. Ceci inquiète d’autant plus la CFE-CGC que les salariés de tous les établissements nous interpellent sur ce point avec insistance.

⇒ La plus grosse part des gains à réaliser d’ici à 2025 sera à faire avec nos sous-traitants et également par des optimisations des heures de production internes sans parler d’une courbe d’apprentissage qui va devoir être exemplaire.

L’impact pour ArianeGroup et ses salariés

La CFE-CGC pense que OUI nous pouvons adapter nos façons de faire pour entrer dans le monde des lanceurs civils d’aujourd’hui, ceci impliquant néanmoins d’accepter un taux admissible d'échec supérieur à A5. Toutefois, il nous semble que ce sera au risque d'un clivage avec le militaire pour lequel le taux d'échec admissible est nul !

Cette dualité et ce qu’elle implique est une question que porte la CFE-CGC depuis des mois : peut-on demander à tous les secteurs de faire les mêmes efforts sans remette en cause certaines exigences des programmes ? On nous dit que la Défense souhaite bénéficier de baisses de prix, dont acte, mais est-ce dans les mêmes proportions que le civil ?

Notre client Défense semble conscient que certaines ruptures permettant des baisses de coûts significatives dans le civil ne pourront pas être mises en œuvre aussi vite sur la Défense. Ceci étant, il nous surveille de près sur notre capacité à le livrer OQOTOC avec un impératif qualité primordial. La baisse des effectifs sur la partie Défense ne doit pas amputer notre capacité à satisfaire notre client et sur ce point, la CFE-CGC est inquiète.

Nous craignons également que les actions visant à améliorer à court et moyen termes la santé économique d’ArianeGroup
affectent notre capacité à terminer le développement d’Ariane 6 et à la faire voler, dans les temps et avec succès.

Risque majeur pour les salariés qui vont rester

Durant cette période critique jusqu’au 1er vol A6, la Direction ne nous a pas rassurés concernant la charge de travail. La CFE-CGC est convaincue que certains des salariés qui resteront vont encaisser une partie de la charge de travail précédemment réalisée par leurs collègues partis ⇒ les Risques Psycho Sociaux sont forts, sinon très forts voire déjà avérés !

Ne nous le cachons pas, si des salariés seront volontaires pour quitter la société (est-ce une bonne chose si nous rencontrons des ‘candidats’ tous les jours ?) et sans doute profiter d’un accord RCC leur permettant une sortie « bonifiée », ceux qui resteront devront relever des défis considérablement élevés.

Pour ces salariés, dont certains sont déjà exténués et parfois en recherche de sens voire de motivation, un risque majeur existe !

Compétences

Il existe des projets (dont la Méga constellation) susceptibles d’amener de la charge à la société dans les années à venir. Mais pour espérer passer cette charge et ne pas hypothéquer l’avenir, il faut garder des salariés motivés et compétents.

Ce point est majeur : les salariés de tous niveaux et de tous les établissements détiennent des compétences clés très spécifiques à nos activités.

Le plan de départ proposé veut préserver les compétences de la société en préservant les personnes qui ont ces compétences ou expertises rares et des talents reconnus comme indispensables à la société. Sur ce point la Direction semble avoir entendu les craintes des représentants du personnel quant au maintien des compétences nécessaires à  la maîtrise de nos activités.

Il est néanmoins déjà affiché une baisse de 500 ETP en 2023, mais nous n’avons aucune visibilité quant à la façon dont la Direction compte mener cette nouvelle diminution d’effectif. Compte-elle reproduire la même méthode qu’en 2022 ?

Il est vrai que, entre les incertitudes de vol 1, de la méga constellation, ou par exemple de la ministérielle de fin 2022,
nos dirigeants peuvent difficilement afficher aujourd’hui des prévisions fiables au-delà des douze prochains mois…

Le futur nous dira si la Direction aura pu conserver les compétences majeures dans l’entreprise.

ArianeGroup entreprise européenne ? Oui mais …

La CFE-CGC ne peut conclure cet avis sans citer le grand absent de cette information-consultation : le COMITÉ D’ENTREPRISE EUROPÉEN ; il lui revenait d’être en première ligne car cette réduction d’effectifs concerne tous les établissements allemands et français de la société. L’absence de Comité d’Entreprise Européen permet à la Direction de cloisonner les représentants des salariés alors qu’il eut été pertinent qu'il soit consulté sur ce projet. De là à penser que la Direction retarde sa mise en place il n’y a qu’un pas …

Comment se revendiquer être une entreprise européenne quand, plus de cinq ans après la création de la société et malgré les demandes répétées de toutes les organisations syndicales allemandes comme françaises, nous ne disposons toujours pas de Comité d’Entreprise Européen ?

Le chemin étroit entre compétitivité et réussite d’A6 vol 1

Notre avenir repose sur le succès du vol 1 d’Ariane 6. Dans ce contexte, le choix de la Direction de réduire les effectifs dans cette période tendue est sans doute nécessaire d’un point de vue économique mais extrêmement périlleux sur les autres aspects (technique, maîtrise des risques, RPS, …).

Le chemin étroit emprunté par la Direction, entre compétitivité d’un côté et réussite du vol 1 de l’autre, engage notre avenir commun. Si la CFE-CGC partage l’essentiel du constat fait par la Direction (le soutien de l’expert Legrand aura été décisif pour comprendre la situation), nous avons de nombreux points de divergences sur les « remèdes » qu’elle compte mettre en œuvre : diminution rapide des effectifs avant vol 1, une digitalisation qui fonctionne, des processus plus simples, ….

La CFE-CGC le dit sans détour, si nous dérapons c’est l’échec assuré ; or l’échec n’est pas permis car les conséquences pour notre avenir, et donc pour l’emploi, seraient terribles.

D’ailleurs une question légitime que nous nous posons : « quelle est la visibilité post 2022 ? », n’a toujours pas obtenu de réponse.

Après 2022 tout est envisageable, le meilleur comme le pire

Aux demandes de visibilité post 2022 formulées par les élus la Direction n’a pas donné de réponse claire. Il est d’ores et déjà affiché une baisse de 500 ETP en 2023, mais nous n’avons aucune visibilité sur la façon dont elle compte mener cette nouvelle diminution d’effectif.

Compte-elle reproduire la même méthode qu’en 2022 ? Nous n’en savons rien car la Direction n’a pas répondu. Il est vrai que l’année 2022 comporte différentes inconnues, tenue du planning A6, réussite du Vol 1, nouveaux contrats commerciaux ou pas (Méga constellation…), ministérielle 2022.

L’équation ne sera résolue qu’après levée de ces inconnues et nos dirigeants peuvent difficilement afficher aujourd’hui des prévisions fiables au-delà des douze prochains mois.

Un objectif de baisse d’effectif excessivement ambitieux

  • Il repose sur beaucoup de challenges à relever dont la faisabilité de certains est en partie hypothétique
     
  • Il met une pression incroyable sur la Direction Informatique
     
  • Il risque de mettre des Directions dans une situation d’injonctions contradictoires = « baisser les coûts et tenir l’OQOTOC » dans un contexte ultra tendu, notamment concernant le vol 1 A6
     
  • les suppressions de postes doivent être SANS impact pour les salariés qui restent (notamment sur la charge de travail) ; mais c’est loin d’être garanti

L’impact faible de la baisse d’effectif envisagée sur le coût d'Ariane 6 au regard de l’effort à fournir pour atteindre le coût objectif d’une A6 est inquiétant pour le futur. De nouvelles annonces de baisse d’effectif sont possibles au-delà de 2022.

Par ailleurs, toutes les annonces de réduction des coûts comprennent, de notre point de vue, une bonne dose d'affichage politique vis à vis des instances politiques France, ESA, Bruxelles, ... 

Dans ce contexte, nous sommes convaincus que toute l’attention de nos collègues doit rester centrée sur nos enjeux industriels et commerciaux tant sur M que A, là est la priorité de l’action syndicale des femmes et des hommes qui font la CFE-CGC ArianeGroup.

C’est pour l’ensemble de ces raisons que la CFE-CGC émet un avis DÉFAVORABLE à ce projet de réduction des effectifs.

6 DÉCEMBRE 2021