ÉCHEC ET MAT !


Jeudi 21 octobre, le CEO, André-Hubert ROUSSEL, a rencontré les Organisations Syndicales représentatives suite à l’annonce faite par l’ESA du report du vol inaugural d’Ariane6 (au 4ème trimestre 2023).

Un CEO au discours contrasté

Le CEO a délivré plusieurs messages :

  • « ON VA TENIR LA DATE »
     
  • « A6 EST LE BON PRODUIT »
     
  • « LE MARCHÉ  EST LÀ »

Mais aussi :

  • « ON NE PEUT PAS SE RATER »
     
  • « DES CLIENTS POURRAIENT ANNULER DES CONTRATS »
     
  • « LA SITUATION ÉCONOMIQUE DE L’ENTREPRISE EST FORTEMENT DÉGRADÉE »

Et qui plus est, un message frontal, répété à deux reprises, qui nous semble être le plus marquant. Nous le traiterons à la fin de cette newsletter.

Comment interpréter un message mêlant optimisme et pessimisme ?

Un message annonçant un carnet de commande A6 bien garni avec plusieurs dizaines de lancements enregistrés et contrasté avec notamment une situation économique qui se dégrade puisque, le CEO affiche que le retard A6 représente 250 à 300M€ de pertes pour la société.

250M€ c’est environ 60% de la masse salariale annuelle d’ArianeGroup !

La guerre en Ukraine a montré le besoin d’indépendance de l’Europe vis-à-vis de l’accès à l’espace. Et même si des dissonances existent entre les Etats qui participent beaucoup au budget du spatial en Europe (France, Allemagne et Italie), les politiques étant conscients de cette nécessité, des raisons d’espérer à un avenir où le travail ne manquera pas sont réelles.

La CFE-CGC peut donc partager cet optimisme car nous sentons bien que l’accès à l’espace est (re)devenu un sujet majeur en Europe et les opportunités pour que notre entreprises et ses salariés aux compétences hors norme puissent les saisir seront bien là. Une preuve ? DASSAULT et MBDA dont le cœur de métier n’est pas l’espace tentent d’y mettre un pied (appel à projet Européen sur les petits lanceurs).

Néanmoins, aujourd’hui la CFE-CGC est inquiète pour l’avenir de la société ArianeGroup !

La CFE-CGC demande depuis des mois des réponses à ses interrogations, notamment sur l’avancement du programme A6.

L’ensemble des Organisations Syndicales a demandé un CSEC exceptionnel pour aborder le sujet en profondeur.

Certes il y des évènements externes (Covid, Guerre en Ukraine…) qui n’aident pas l’entreprise, mais on peut se poser des questions sur les choix faits par nos dirigeants et leurs conséquences sur le programme !

La CFE-CGC pose une question légitime :

Les retards auraient-ils été les mêmes si ArianeGroup avait conservé les compétences
et renforcé les équipes plutôt que réduit les effectifs edepuis 6 ans ? (-1000 salariés en interne)

Nous ne le saurons jamais, c’est une hypothèse qui n’a jamais été retenue, nos dirigeants pilotant notre entreprise plus sur la base d’indicateurs économiques que techniques…

Par ailleurs nous ne saurions même pas dire précisément où sont les retards puisque la direction est très peu transparente sur le sujet. Elle nous annonce du retard, c’est tout.

 Après les 10 plaies de l’Egypte ancienne, voici celle d’ArianeGroup …

Autres extraits "remarquables" du discours du CEO :

  • « Ce qui est une plaie dans cette entreprise c’est la façon de tenir les engagements par rapport aux livrables et le manque d’anticipation»
     
  • « Les gens ne communiquent pas assez entre eux et fonctionnent en silo »

Comment tenir de tel propos vis-à-vis des salariés d’AGS ?

Pour la CFE-CGC, et nous n’aurions jamais imaginé tenir à notre tour des propos aussi crus, il s’agit en fait d’un échec managérial que nous dénonçons depuis déjà (trop) longtemps :  il nous apparait indécent de vouloir rejeter la faute sur les salariés qui depuis des années essayent de relever les défis avec les moyens qu’on leur donne.

C’est insoutenable !

Des réorganisations ça nous en avons eues. Et plus qu’à satiété !!! Citons principalement :

  •  AGILE et ses suppressions de lignes hiérarchiques,
     
  •  Shift 3 ans après, qui a porté l’estocade finale,
     
  •  Sans parler des multiples projets censés améliorer la culture d’entreprise et briser les silos.

ET POUR QUEL RESULTAT ?

Des projets pleins de « mots et d’intentions » mais dont la direction n’a jamais su prouver l’efficacité. Les solutions proposées et mises en œuvre, émanant souvent de cabinets externes, au détriment de l’écoute du terrain se sont traduites par des échecs.

Plus de 6 ans après sa création, ArianeGroup a un fonctionnement en silo (pour être poli), ou plus précisément « balkanisé » (pour être réaliste). Pire, certains secteurs sont sous la coupe d’un management en mode « cowboy » qui fait table rase de nos histoires. A partir de là, il ne faut pas s’étonner si les mêmes injonctions inappropriées conduisent à un accident industriel. (Échec managérial)

Beaucoup de nos collègues croulent sous la charge de travail, le dépassement de fonction est devenu la norme. Ce qui faisait le ciment de nos entreprises, la culture, les habitudes de travail, les organisations, a été remis en cause sous le dogme de « la rupture nécessaire ».

Les salariés subissent tout depuis 6 ans : rien n’est stable, l’entreprise va de chamboulement en chamboulement et les retards s’accumulant, ils vont une nouvelle fois payer le prix fort, pourtant la direction s’émeut que cela ne fonctionne pas et en plus on voudrait les en rendre responsables ?

Même 2.000 ans après, certaines choses restent vraies : « Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l'œil de ton frère et n'aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil à toi ! »

Ainsi 6 ans après la création l’entreprise, nous avons enfin une vérité affichée, celle que les multiples changements opérés n’ont pas apporté les résultats attendus.

Pire : ils ont dégradé ce qui fonctionnait bien avant

Notons enfin que souvent nous sont appliquées des méthodologies issues  de l’industrie automobile. Si l’on peut s’inspirer de bonnes pratiques, la CFE-CGC l’affirme à nouveau, ces méthodes, faites pour la très grande série, ne correspondent pas au modèle industriel du spatial, qui fabrique de très petites séries à très Haute Valeur Ajoutée.

Il est tout de même demandé aux salariés de continuer à se battre, à être résilients pour permettre au « navire » de rester à flot. Leur emploi et leur avenir en dépendent, ont-ils d’autres choix ?

Au même moment, nous avons une pensée « émue » pour l’ensemble des capitaines ayant réalisé ces choix stratégiques et qui depuis ont quitté le navire.  

Un impératif de réussite et de transparence

Alors que faire ?

« A6 est en retard et ce n’est plus un secret pour personne. ».

L’affichage d’une date, toujours en 2023, nous semble à la fois un challenge important à relever mais également un calendrier que nous jugeons, encore une fois, optimiste.

La direction va donc devoir mettre les moyens sur la table pour que les salariés encore présents puissent relever ce défi tout en souhaitant que, passé ce cap de fin 2023, notre avenir s’éclaircira.

En parallèle, la Direction va devoir être transparente auprès des représentants des salariés et assumer ses choix ; les élus CFE-CGC en CSE Central proposeront d’utiliser les moyens légaux à leur disposition pour bien comprendre la situation actuelle et surtout les impacts pour notre avenir.

25 OCTOBRE 2022